De l’épaisseur à la finesse, de la précision à la fluidité, le trait et le point narrent et rythment des formes quasi automatiques. A l’instar d’un texte, la figure à l’encre semble s’écrire. Ponctuée de temps continus, denses et intenses et de temps ondoyants, qui s’étirent, légers et fuyants. Entre apparition et disparition, les planches composent et choré-graphient une variation de corps non pas exposés, mais sentis, imaginés, pensés.

Car ce que nous voyons ici, c’est la re-création par l’artiste d’une sensation, celle de ces gestes reçus, observés, regardés face à des êtres en mouvement, des êtres dansants. Ainsi, à l’inverse d’une notation traditionnelle, l’ensemble de ces encres, aux frontières de l’écriture et de l’ombre dansante, constitue un répertoire non pas de mouvements à venir, mais de « mouvements-souvenirs », de ce qu’il en reste : le ressenti, l’émotion, le mémoriel.

Mais cette trace à l’encre est aussi et avant tout celle d’un geste au présent, celui de l’artiste en création. C’est le présent de l’ici et maintenant – le hinc et nuncpropre au processus créateur : le geste en train de se faire, celui qu’on ne retient pas, celui qui ne se grave pas, mais qui pourtant, ici, laisse une trace.

Ces instantanés encrés, non pas saisis mais faits sur le vif, condensent création, mouvement et sensation. Entre virtualité et présence, entre projection mentale et être au monde, ce que ce doigt finalement pointerait : c’est une corporéité en train de se créer.

 

Encre sur papier 14,8cm x 21 cm